Prologue
La colère, la peur. Comment une enfant de mon âge pouvait-elle connaître de
tels sentiments ? Comment pouvait-on me laisser vivre ainsi ? Sans repère, sans
espoir…
J’étais arrivée sur Selonia d’une manière des plus dramatiques qui
soient. Le vaisseau spatial de ma famille s’était écrasé un an auparavant
sur la planète. Mes parents et mon unique frère étaient morts ; j’étais la
seule survivante de ce cauchemar. Et aujourd’hui quand j’y repense je me dis
qu’il aurait mieux valu que je les accompagne dans la mort…
J’étais une gosse des rues à présent. Pendant les deux premières semaines
qui suivirent l’accident, je vivais de ce que l’on voulait bien me donner.
Puis, je fus recueillie par Kera, une vieille femme qui élevait du bétail en
bordure de l’Astroport de Nem-Massou. Elle m’offrait un toit et à manger,
moi en échange je travaillais pour elle. Une gamine de cinq ans qui nettoyait
les stalles des bêtes, rentrait le fourrage avant la saison des pluies,
marchandait le prix des animaux en ville… Mon temps libre, je le passais à
voler. Bien que ma mère m’ait toujours appris que cela était mal, mais
qu’est ce que cela pourrait bien changer à présent.
Je volais tout le monde, sans scrupule, même le maigre petit pécule qu’un
mendiant avait gagné dans la journée. J’étais devenue une pauvre petite
chose, un pauvre petit animal que la colère et la peur avait rendu sauvage. Je
ne vivais plus, je me laissais vivre, portée par mon instinct. Les seuls traces
d’humanité que je conservais se trouvaient dans le plaisir que j’éprouvais,
à admirer les couchers de soleil du haut des Sommets des Terres des Nuages.
Petit à petit je m’étais adaptée à cette planète et à ces habitants.
Mais ces derniers temps, la pression commençait à monter entre les Séloniens
et les Colons humains qui s’étaient établis des centaines d’années
auparavant sur cette planète. On frôlait la guerre civile. Les gens se
querellaient pour des raisons qu’à mon âge je ne pouvais pas
comprendre…Des personnes mourraient en ville, tués durant des attentats, des
gens pour la plupart innocents ; des femmes, des enfants. J’avais appris très
tôt qu’elle était la dure réalité de la vie.
Un matin, d’une journée qui allait marquer un tournant dans mon existence, la
vieille Kera m’envoya à l’ Astroport chercher une nouvelle livraison de bétails.
Et je flânais comme à mon habitude ici et là, vidant les poches des badauds
et cherchant des personnes susceptibles d’avoir beaucoup de crédits républicains
sur eux. C’est là que j’ai entre aperçu parmi la foule deux hommes
habillaient étrangement. Tous deux portaient une bure de couleur brune avec une
capuche relevée sur leur tête. L’un deux était très grand ! Il paraissait
être un géant à côté de ma taille d’insecte. L’autre visiblement
beaucoup plus petit le suivait de très près et à un moment j’entendis
celui-ci murmurer:
- Oui maître…
Sur ces mots, mon esprit ne fit qu’un tour. Cet homme devait être très riche
pour posséder un esclave ! Je m’efforçais de m’approcher d’eux en me
faufilant parmi la foule. Soudain le plus petit des deux hommes leva le bras
pour montrer un bâtiment à son maître. Grâce à ce mouvement je pus
apercevoir un objet métallique qui scintillé derrière sa bure. Cet objet que
je n’avais jamais vu auparavant avait une forme cylindrique. C’était sûrement
un objet de grande valeur…Il me le fallait. J’employais donc ma technique
habituelle pour faire les poches des gens en faisant semblant de le bousculer
par mégarde. J’en profitais pour faufiler ma petite main discrètement
jusqu’à sa ceinture et y décrocher l’objet. Puis je me retournais tout en
m’excusant poliment. Mais au moment où je souhaitais repartir avec mon butin,
une main accrocha mon bras et me tira en arrière. Je me retournais, le visage témoignant
de mon effroi devant ce qui allait sûrement m’arriver. Sous sa capuche je vis
le visage de celui qui m’avait prise sur le fait.
C’est à cette instant que toute ma peur s’évanouit d’un seul coup. Son
visage était doux et son regard avait quelque chose d’apaisant. Je sentais
que je n’avais rien à craindre de lui. Il posa alors son regard sur ma main
qui tenait fermement l’arme que je lui avait volé, et me demanda :
- Tu peux me le rendre petite ? Je crois que je pourrais encore en avoir besoin
tu sais…
Il me disait cela tout en souriant alors qu’il y a quelques instants je
m’attendait minimum a recevoir la plus belle de toutes les claques qui
pouvaient exister dans cette galaxie. Soudain la foule tout autour de nous se
mit à hurler. Parmi ces cris je pus discerner quelques mots et celui-ci en
faisait parti :
- …détonateur thermique…
Et là, pendant un moment qui me sembla une éternité ce fut le trou noir…
Pourtant je me réveillais quelques instants après, et à part les gémissement
et les pleurs il n’y avait plus aucun bruit. Un énorme nuage de poussière
s’était installé et moi j’étais étendue sur le sol immobile.
Je tenais toujours très serré dans ma petite main cet objet si précieux.
Alors que j’entendais un craquement au dessus de moi, je relevais doucement la
tête. Je vis alors qu’une poutre en bois allait d’un instant à l’autre
s’effondrer sur moi. D’ailleurs, ce moment arrivait plus vite que je ne le
souhaitait ! La poutre céda et dans un reflex que je ne pouvais pas
m’expliquer, j’allumais je ne sais comment le bâtonnet que j’avais dans
mes mains et fit un mouvement de bas en haut avec ce qui s’avéra être un
sabre-laser juste avant que la poutre ne me tombe dessus. J’étais encore en
vie. Je restais là à regarder avec étonnement la poutre que j’avais coupé
en deux et qui s’était écrasée de part et d’autre de mon petit corps.
C’est là que je vis deux ombres dans la poussière s’approchaient de moi.
C’était les deux hommes. Le plus grand avait une barbe et portait les cheveux
longs. A cet instant, il ne dit rien. Il me tendit tout simplement la main. Une
main que j’accepta sans discuter et une main qui changea le cours de ma destinée...