nouveaux horizons

 

Partie i: l'intrépide

 

 

 

 

–Capitaine Piett, levez-vous!

La voix résonna sous les vieilles arches de la grande salle. Elle était pleine à craquer, débordant d'uniformes jusque dans les couloirs. Ce jour-là siégeait le tribunal militaire, condamnant les soldats et officiers jugés indignes de servir un Empire passablement rétréci, mais toujours présent.

            L'accusé se leva. Ses cheveux noirs étaient coupés court selon le règlement militaire en vigueur, dans ses yeux verts s'apercevait la lueur d'un homme soulager d'enfin en terminer.

            Le juge, un homme gras, le considéra d'un œil sévère.

–Capitaine, jusque-là vos états de service étaient exemplaires. Deux ans dans les chasseurs TIE, un grade de capitaine amplement mérité…pourquoi avoir gâché tout cela en incitant vos compagnons à rejoindre les Rebelles?!

            Le jeune capitaine haussa les épaules d'un air fataliste.

–Les "rebelles" sont maintenant plus nombreux que nous. Ils sont organisés en une Nouvelle République qui fonctionne relativement bien. Je ne vois pas pourquoi nous devons continuer à les combattre. L'Empire n'est plus ce qu'il était…

–Comment osez-vous émettre de telles inepties!

Le juge était outré.

–La grandeur de l'Empire ne sera pas regagnée grâce à vous, cela nous en sommes certains! Votre arrogance et votre suffisance méritent un châtiment.

            Alors que le juge, un ex-amiral à la retraite, se désaltérait avant de continuer sa tirade, un général se pencha vers lui et lui murmura quelques mots tout en lançant de fréquents regards à l'accusé.

            Ce dernier pâlit. Il avait reconnu son supérieur, le général Till. Un supérieur avec lequel il n'entretenait pas de bonnes relations…

            Les lèvres du juge d'étirèrent lentement en un sourire torve au fur et à mesure que le général lui parlait.

–Bien. Voici notre verdict: vous êtes nommés au commandement d'un destroyer stellaire de classe Dominator.

            Des remous parcoururent l'assistance médusée. Le capitaine Piett avala difficilement sa salive. Il s'attendait à être dégradé et renvoyé, voire fusillé, mais en aucun cas promu! Cette clémence soudaine cachait certainement quelque chose…

            Le sourire sur le visage du juge s'élargit, tandis que les yeux du général Till brillaient de satisfaction, renforçant le malaise du jeune homme.

–Votre vaisseau est l'Intrépide….

Les murmures se transformèrent en sourires. Le capitaine pâlit. L'Intrépide! Cela signait son arrêt de mort. Depuis plus de cinq ans, nul commandant n'avait réussi à maîtriser l'équipage indomptable de l'Intrépide.

            Des hommes dont le cadavre était renvoyé à leur famille quelques semaines plus tard…

            Le capitaine se demanda comment sa mère réagirait à sa mort. Elle le prendrait mieux que son déshonneur, cela était sûr. De toute façon, elle n'avait qu'à assumer ses choix! Si son père n'était pas décédé lors de l'explosion de son croiseur, il y avait de cela trois ans, alors elle ne l'aurait pas rappelé de Seika où il étudiait depuis son enfance, et elle ne l'aurait pas forcé à intégrer la Flotte Impériale…

            Revenant à la réalité, il se força à sourire. S'inclinant, il répondit:

–Je remercie le tribunal pour sa clémence…

–Une navette vous attend. Adieu, commandant.

Oh non ce ne serait pas un "adieu". Plutôt un "au revoir". Il survivrait. Et reviendrait. Et se vengerait. En temps et en heure. Cela, il en faisait le serment.

 

***

 

            Système Corellien, le lendemain…

 

Le capitaine Piett se trouvait seul dans la navette programmée pour un aller simple. Le rendez-vous était convenu à quatorze heures de ce jour. Il était seize heures, et à travers la baie en transparacier de la navette, le jeune homme ne distinguait que les quelques planètes du système.

            Il avait bien essayé de reprendre les commandes, mais la jauge de carburant indiquait zéro. Certainement la meilleure protection en cas de tentative de piratage. Il ne pouvait aller nulle part. Niveau communication, c'était le même topo: la navette n'en était même pas équipée.

            Il lui restait une semaine d'air, et quelques barres énergétiques qu'il avait subtilisées avant son départ forcé.

            L'avenir semblait donc extrêmement réjouissant. Il avait le choix entre mourir de faim, mourir par étouffement, voire devenir complètement fou. Il pouvait aussi se jeter dans le vide pour en finir plus vite.

            Cependant les sinistres pensées du jeune homme n'occupèrent pas longtemps son esprit. Il se devait de survivre. Ne serait-ce que pour assouvir sa vengeance.

            Il était en train d'étrangler lentement le général Till lorsque la navette se mit soudainement à bouger. Délaissant ses pensées, il se mit debout, tituba quelque peu, et regarda à l'extérieur.

            L'Intrépide était là, tout près. Ses rayons tracteurs ramenaient la petite navette dans son ventre.

            Le capitaine, commençant à se sentir nerveux, se força à respirer calmement. Il entendait son cœur cogner dans sa poitrine. Il s'assit dans le seul siège de la navette, s'efforça de se détendre, et attendit.

Il faut que je vive.

            La navette se posa avec un léger choc. Toutes ses bonnes résolutions de calme le quittèrent à l'instant. Il lui fallut toute sa volonté pour ne pas bondir hors de son siège à l'instant. Il respira profondément.

Calme. Maîtrise. Sérénité.

            Mais tout son esprit bouillonnait de peur et d'impatience mélangés. Par un effort de volonté, il refoula ses émotions au plus profond de lui. Très loin.

            Une onde de calme le parcourut. Enfin. La bête était maîtrisée. Il la tenait, en laisse et muselée. Elle était sous contrôle. Sous son contrôle. Pour l'instant. Il respira. Maîtrise. Contrôle. A lui de la relâcher quand il le déciderait, et non de la laisser s'échapper…Il devait garder le contrôle. Quoiqu'il arrive.

            La rampe de la navette d'abaissa. Il se leva. Dans ses yeux verts, aucune trace d'une quelconque appréhension. Un regard déterminé, prêt à tout pour survivre.

            Lentement, posément, sans laisser filtrer la moindre émotion, il descendit de la navette.

            Sept personnes, postées en demi-cercle, l'attendaient. Quatre étaient armées.

Tiens donc, ils me craignent autant? songea-t-il. La pensée qu'ils voulaient l'abattre à sa sortie ne l'effleura même pas dans l'état d'esprit où il se trouvait. Il s'immobilisa, dévisageant chacune des personnes présentes.

            Sur sa gauche, une twi'lek, dont les lekku étaient ramenés sur ses épaules. Elle arborait un air menaçant, et pointait un blaster sur sa personne. Manifestement, elle savait s'en servir. A son côté, une Barabel. Elle aussi semblait n'attendre qu'un seul ordre pour le tuer. Venait ensuite un Calamari, un officier d'après ses galons. Il n'avait pas l'air dangereux. Puis, le commandant en second. Enfin, LA commandant. Des cheveux noirs, coupés courts, des yeux d'un bleu profond…Son uniforme mettait en valeur toutes les courbes de son corps. Elle était belle, et elle semblait savoir jouer de ses atouts. Le capitaine la classa derechef dans la catégorie des femmes dangereuses. La sévérité peinte sur son visage renforça sa conviction.

            De l'autre côté de la femme, un homme. Petit, épais, tout en muscle. Nerveux, aussi. D'instinct, il sut qu'il serait son ennemi. Suivaient deux Mistryls, armées elles aussi d'un blaster. Il lutta pour rester impassible. Ces filles étaient douées au combat. Très douées.

            Cette rapide analyse de la situation lui permit de douter de sa victoire en cas d'affrontement. Il entrait en terrain conquis, et défendu. Autant ne pas se comporter en ennemi. Très bien. Alors il attendrait le bon vouloir de ses hôtes.

            Après cinq longues minutes de silence, la commandant en second prit la parole.

-Qui êtes-vous et que voulez-vous?

Même pas un bonjour. Il fut déçu. Mais le ton n'était pas aussi agressif qu'il pensait. Enfin, la prudence était de mise s'il tenait à sa vie.

-Capitaine Piett, censé prendre le commandement de l'Intrépide sur décision de la cour martiale, répondit-il.

La commandant haussa un sourcil.

-La cour martiale? Vous entendez, maintenant on nous refile les criminels de l'Empire!

Elle se moquait de lui, c'était clair. La prudence fut mise aux oubliettes, et sa nature reprit le dessus.

-Je ne suis pas un criminel, gronda-t-il.

Surprise, elle le considéra sous un nouvel angle. Quelle colère, quelle agressivité!

Il remarqua le changement qui s'opérait en elle, et se maudit d'avoir relâcher la pression sur la bête. Voilà qui risquait de tout mettre en l'air.

-Pourquoi la cour martiale? Vous pensiez que votre nom vous mettrez à l'abri?

Intérieurement, il se crispa. C'est pas tes oignons!! . Se détendre. Il faut se détendre…

-Petits problèmes de jugement avec mes supérieurs, répondit-il le plus évasivement possible.

-L'Intrépide n'a pas besoin de commandant, déclara-t-elle.

Il ne sut que répondre. Evidemment qu'ils ne voulaient pas de chef! Et surtout pas d'un arriviste! Bon. Qu'allait-il faire? Tout d'abord, trouver une réponse, et vite. Elle n'avait pas l'air très patiente…

-Ah. Et bien…on peut peut-être trouver un arrangement, non?

-Vous ne manquez pas de culot, jeune homme. Le chef ici c'est moi. Pigé? aboya-t-elle.

-Oui, oui, bien sûr…mais je ne pensais pas à ça.

-Tiens donc, parce que vous pensez? se moqua-t-elle.

Cette fois-ci, il eut du mal à contenir sa colère. Ses poings se serrèrent. Calme. Reste calme. Tu es une montagne, et ses paroles glissent sur toi comme les torrents, sans t'atteindre…Plus facile à dire qu'à faire… Mais qu'elle m'énerve!!  

-Oui, je pense, répliqua-t-il plus sèchement qu'il ne l'eut voulu, et d'ailleurs je songeais uniquement à mettre la plus grande distance possible entre vous et moi ! Déposez-moi là où vous voulez, sur n'importe qu'elle planète, je me débrouillerai par la suite! Je n'ai besoin de personne! Vous m'entendez? Personne!

Il considéra d'un œil furieux les personnes en face de lui. Voilà qu'elles le regardaient sous un nouveau jour. Une fois de plus ses plans avaient volé en éclats. Maîtrise-toi! se sermonna-t-il.

Sa colère et sa rancœur s'évanouirent d'un seul coup. Il se sentait las. Il était fatigué de tous ces faux-semblants, de tous ces artifices…Il fallait en finir.

-Je m'excuse, dit-il. Seulement je ne désire plus servir l'Empire. Faites de moi ce que vous voudrez.

-Votre nom?

La voix douce le surprit.

-Lucas Piett.

-Votre âge?

-Dix-neuf ans.

-Vous êtes bien jeune pour diriger un destroyer stellaire…

Un instant, il crut rêver. Comment, il allait finalement prendre le commandement?? Mais il fut vite déçu…

-Vous êtes autorisé à demeurer à bord. Il nous manque un Aide Ménager. Vous prendrez vos ordres du lieutenant Keuper, dit-elle en désignant l'homme qui se tenait à sa gauche.

            Celui-ci eut un sourire sinistre. Malgré lui, Lucas frissonna. Génial. Pourquoi avait-il systématiquement des supérieurs avec qui il ne pouvait pas s'entendre?

*****

            Deux heures plus tard, Lucas se trouvait affublé d'un tablier, d'un seau d'eau et d'une brosse. Sur sa poitrine, un badge à son nom: "Aide Ménager Piett". Et sur ces simples instructions "Fais briller le vaisseau", il se retrouva seul. Il ne s'apitoya pas sur son sort. Il avait voulu rester vivant, il était vivant. Maintenant, il voulait prendre le commandement, et il y arriverait tôt ou tard. Très certainement plutôt tôt que tard, mais il réussirait tout de même.

            Il décida de traiter le nettoyage avec méthode: 1600m de long! Il diviserait le vaisseau en différents compartiments. Il consulta son databloc: aujourd'hui, salle des machines numéro un! Il s'orienta facilement dans les couloirs: ce n'était pas la première fois qu'il se trouvait à bord d'un destroyer stellaire…Arrivé dans la salle des machines, il posa son seau et sa brosse, et commença à frotter le sol sur un rythme soutenu.

            Il régnait une chaleur insoutenable dans cette pièce, songea-t-il. Entre les moteurs et l'effort qu'il fournissait…

            Cinq heures plus tard, Lucas savait que la pièce comptait quatorze grandes dalles métalliques en guise de sol, et que dix-sept boulons manquaient.

            Il rédigea une petite fiche, la posa en évidence, et décida d'aller se coucher. Cette première journée avait été éreintante…

            Sa cabine était minuscule. Et encore. Minuscule était un bien grand mot. Un lit à côté de la porte, des rangements dessous, un lavabo escamotable en face. Et une petite étagère à côté du lit.

            Il prit le temps de ranger soigneusement ses quelques affaires, puis se déshabilla pour une toilette sommaire. Dans le miroir accroché au-dessus du lavabo, ses yeux tombèrent sur le pendentif resté autour de son cou. Une goutte noire avec un petit point blanc. Même au plus fort de la nuit brille toujours une étoile, lui avait assuré la vieille femme qui lui avait donné.

            La mélancolie s'empara de lui. Seika était si loin! Toute son enfance lui paraissait désormais lointaine. Dire qu'il y serait encore, si personne ne l'avait forcé à partir…

            Il s'allongea sur le lit, toute fatigue envolée. Qu'allait-il devenir? Cette vie sur l'Intrépide ne pouvait pas durer. Il ne le supporterait pas.

            A travers le hublot, les étoiles s'étiraient en longs filaments. L'Intrépide était passé en hyperespace. Pour quelle destination? Il ne le savait pas. Mais il resterait, et il apprendrait. Et un jour, il se vengerait.

*****

            Cyria Leffo éteignit le moniteur et se tourna vers le lieutenant Keuper.

-Il semble qu'il prenne la situation plutôt bien.

Simon grimaça.

-Il craquera. Ils craquent tous.

-Celui-là est différent. Il est jeune. Il a de la volonté.

-Tu prends sa défense maintenant?

-Pourquoi n'en aurais-je pas le droit?

-Il n'est pas des nôtres.

-Il le deviendra.

*****

            Cinq heures du matin. La sonnerie stridente réveilla Lucas en sursaut. Pourquoi les Impériaux continuaient à se lever à une heure pareille?!

            Maugréant contre le système, il se leva malgré tout, s'habilla gauchement, et s'aspergea le visage d'eau froide pour dissiper les dernières traces de sommeil.

            L'image qui lui renvoya le miroir fut le visage d'un homme aux yeux hagards et aux cheveux en batailles.

            Quelle tête…commenta-t-il lugubrement. Il regarda sur son planning. Aujourd'hui salle des machines…numéro deux! Youpi ! Quelle joie! Encore des ampoules en perspective! Déjà qu'il était courbaturé de partout, il se demandait dans quel état il serait le soir même…

            Son estomac gargouilla, le ramenant à la réalité. Il était temps de passer à la cantine pour récupérer de quoi manger…

            En arrivant, il eut la désagréable surprise de constater que la cantine n'ouvrait qu'à huit heures. Sa colère alla rejoindre son mécontentement au fin fond de son esprit. La bête s'ébroua, déclenchant un signal d'alarme. Se calmer. Se maîtriser. Penser positif. Penser à toutes les bonnes choses qui m'attendent…

            Mais la perspective de gratter le sol pendant huit heures n'était guère une pensée réjouissante.

Fais un effort…

Toujours rechercher le positif et l'agréable dans une situation donnée, lui avait-on répété maintes fois. Le positif…eh bien la pièce serait propre. Oui. Tout le monde y prêterait attention, c'était certain.

            Une idée jaillit soudain parmi ses pensées. Pourquoi pas, après tout? Une onde de joie et de gaieté le parcourut. La bête s'évanouit. Et le sourire aux lèvres, il partit se mettre au travail.

*****

            La journée se passa comme la précédente. Lorsqu'il quitta la salle, il tenait à peine debout, mais le sol brillait comme un miroir. Le dos en compote, il rejoignit lentement ses quartiers, n'aspirant qu'à une chose: dormir.

            Pourtant le sommeil se refusa à lui dès qu'il fut allongé. Une question taraudait son esprit: le temps qu'il nettoie tout le vaisseau, les premières salles seraient de nouveau à refaire. Et pourquoi n'y avait-il pas de droïds de nettoyage? S'il y en avait, il n'en avait vu aucun. Il demanderait, les reprogrammerait…et hop! Le travail serait fait. Pourquoi se fatiguer davantage?

            Le lendemain, il ignora la sonnerie de cinq heures. Seuls les fous se lèvent à cette heure, songea-t-il. Et il n'était pas fou. Pas encore. Il se leva vers sept heures, prit son temps pour se préparer et arriva à la cantine aux alentours de huit heures. Cette fois-ci, il n'était pas seul dans la pièce: celle-ci était remplie aux trois-quarts. Il s'installa dans un coin, dos au mur pour protéger ses arrières. Les vieilles habitudes étaient dures à abandonner. Tandis qu'il mangeait, il observa les occupants. Il n'avait jamais vu autant d'espèces non humaines sur un vaisseau impérial. Personne ne fit attention à lui, ce qui l'arrangea. Il n'avait pas envie d'engager la conversation avec un membre de l'équipage. Pas encore.

            Ayant terminé son petit déjeuner, il quitta le réfectoire. Il était temps de se mettre au travail. Il utilisa sa matinée pour faire briller les couloirs du pont numéro un. Puis, au lieu d'enchaîner l'après-midi par les couloirs du pont numéro deux, il descendit au niveau de la réserve des pièces détachées. Il y passa toute l'après-midi, farfouillant dans les débris d'origines diverses.

            Il était tard lorsqu'il revint à sa cabine. La cantine était fermée. Tant pis. Pas de repas pour ce soir. Cependant ce n'était pas grave, car il avait du travail.

            Il s'installa sur son lit, et entreprit de trier et rassembler les pièces. Il tenta de se rappeler ses quelques souvenirs de mécanique et d'électronique du temps ou il était à l'Académie. Il fallait qu'il y arrive s'il ne voulait pas passer sa vie à récurer un destroyer stellaire. Il devait réussir à construire et programmer un droïd ménager.

            La sonnerie de cinq heures lui fit prendre conscience qu'il avait passé la nuit à travailler.

            Il se permit deux heures de sommeil, puis se leva pour reprendre son travail. La journée lui sembla durer une année. Durant le repas du soir, il faillit s'endormir trois fois sur sa soupe à l'odeur entêtante. Il se traîna ensuite jusqu'à sa chambre. Mais il refusa de laisser le sommeil s'emparer de lui: il continua son travail.

            Et le lendemain matin, il fut fier de voir que son droïd fonctionnait.

 

*****

            Assise dans son fauteuil de commandement sur la passerelle de l'Intrépide, Cyria visionnait sur son holo-écran les rapports des caméras de surveillance. Ce jeune Lucas l'impressionnait: voilà une semaine qu'il travaillait jour et nuit. Comment arrivait-il à tenir?

-Il va se tuer à la tâche, murmura-t-elle, à moitié plongée dans ses pensées.

-Et alors, c'est arrivé à d'autres non?

Elle se tourna vers le lieutenant Keuper.

-N'a-t-il pas trouvé grâce à vos yeux, mon ami?

-Il est travailleur, reconnut-il de mauvaise grâce. Mais cela ne suffira pas.

-Pourquoi?

-Il travaille trop. Il ne connaît pas ses limites.

Pensive, elle réfléchit à ces paroles.

-Comment réagissent les autres? dit-elle enfin.

-Ils le trouvent un peu fermé. Il ne vient jamais vers les autres.

-Attends qu'il ait fait ses preuves.

Simon ricana.

-Il règne sur une petite armée de droïds. Que veux-tu lui demander de plus?

Elle le fixa de ses yeux bleus.

-Que t'arrives-t-il, Simon?

Il haussa les épaules.

-Je ne l'aime pas, mais je reconnais ses capacités. Cependant, il doit apprendre à trouver ses limites. Ceux qui ne connaissent pas leur limites se détruisent.

Il marqua une pause.

-Et détruisent les autres.

Cyria le fixa, sans un mot.

-Madame, nos détecteurs viennent de trouver le cargo que vous cherchiez, intervint Lisa, l'officier chargée des senseurs.

-Est-ce bien le Diffuseur? questionna la commandante.

-Oui, madame.

-Bien. Colonel Ges, annoncez nos intentions, ordonna-t-elle.

-A vos ordres Madame, répondit l'officier des communications.

-Passez en alerte orange. Que les escadrons Bleu et Jaune se tiennent prêt.

-Escadron Jaune en position. Quels sont les ordres?

-Détruisez les boucliers. N'endommagez pas le vaisseau.

-A vos ordres.

-Lieutenant Keuper, statut de l'armement?

-Les rayons tracteurs sont opérationnels, répondit-il.

-Bien. Escadron Bleu, surveillez le système. Passez sur la fréquence 4-2-5. Espérons que tout se passe bien…

Les yeux  fixés sur la baie en transparacier, elle regarda les chasseurs de l'escadron Jaune s'approcher de leur cible.

 

*****

Lucas travaillait dans le hangar D-5 lorsque l'alerte orange retentit.

-Zut!dit-il comme le vaisseau tremblait. Serions-nous attaqués?

Il s'approcha du champ magnétique qui retenait l'atmosphère dans le hangar.

Non, ils n'étaient pas attaqués. C'étaient eux qui attaquaient. Les vibrations provenaient du décollage des chasseurs.

            Ses yeux s'arrondirent sous l'effet de la surprise. Des ailes-X ! Incroyable. Comment l'Intrépide avait-il pu acquérir du matériel républicain?!

            Il fut rassuré par le départ d'un escadron d'intercepteur TIE. Bon. Il fallait qu'il perce cette énigme.

            Il réalisa soudainement qu'un cargo, pris dans les rayons tracteurs du vaisseau, approchait du hangar. Prudent, il préféra s'éloigner. Il ne tenait pas à avoir de problèmes. Une escouade de commandos entra au pas de course dans le hangar. Ils se postèrent en demi-cercle, prêts à tirer au premier signe hostile.

            Lucas décida de s'éclipser. Ce n'était pas ses affaires. Le cargo fut déposé dans le hangar. Cinq silhouettes en descendirent, les mains levées en signe de reddition. A la grande stupeur de Lucas, ils portaient l'uniforme impérial.

Que signifie tout ceci? se demanda-t-il. Sa curiosité l'emporta sur la prudence. Il décida de rester.

            Sur un geste du chef des commandos, trois stormtroopers vinrent entourer les cinq hommes, tandis que les six autres rentraient fouiller le cargo. Ils en sortirent une dizaine de caisses, puis les occupants du cargo furent autorisés, à leur grande surprise, à repartir.

            Perplexe, se demandant ce qu'il pouvait bien y avoir dans ces caisses que les commandos emportaient, il alla frotter les tâches que le cargo avait faites sur le sol immaculé lors de son arrivée…

 

*****

Une semaine plus tard…

            Tombant de fatigue, Lucas mettait la dernière main sur le dernier droïd. Le tournevis bien serré dans sa main, il s'efforçait de visser la dernière vis.

            La fatigue de ces derniers jours s'accumulant, malgré sa robuste constitution, il savait qu'il atteignait ses limites, ses dernières ressources. La preuve étant qu'il n'arrivait plus à focaliser suffisamment sa vision pour distinguer précisément la vis. En fait d'une vis, il en voyait trois. Se fiant à sa chance, il en visa une. Test réussi, songea-t-il. Il était sept heures du matin lorsqu'il termina le droïd.

Même pas le temps de dormir, songea-t-il. Tant pis. Il dormirait mieux ce soir.

            Etouffant un bâillement, il s'habilla rapidement, puis traîna les pieds jusqu'à la cantine. Une fois assis, il dut faire un effort pour ne pas s'endormir instantanément. Jamais il ne s'était senti aussi fatigué de sa vie.

            Il se dirigea ensuite vers la salle de repos. Petite salle pour un petit jour. Entrant dans la salle, il sentit que ses pieds s'accrochaient à une étrange substance. Avant de réaliser ce qui lui arrivait, il s'étala de tout son long. Il réalisa que de nombreux objets jonchaient le sol lorsque lesdits objets vinrent piquer son corps. Il avait mal partout, mais pourtant cette position allongée lui semblait assez confortable pour une petite sieste…

            Rejetant résolument cette pensée, il se releva tant bien que mal en maugréant, remarquant alors le désordre indescriptible qui régnait dans la pièce.

            Il se crut maudit.

Prenant son courage à deux mains, il saisit un grand sac et commença à le remplir des immondices qui jonchaient le sol.

Mais qu'est-ce qu'ils fabriquent ici???

            Sa chute lui ayant remis les idées en place, il se rendait maintenant compte de l'odeur tenace, âcre, de la pièce.

Je parie que c'est la première fois que cette pièce est nettoyée…

Une fois le sac rempli, il le balança dans un compacteur-recycleur. Bien. Déjà, la pièce avait une meilleure tête. Ne restait plus que le nettoyage…

            Avec un soupir il empoigna sa brosse et se mit à frotter avec toute l'énergie qu'il lui restait. Ce soir l'attendait un lit moelleux, et une vraie nuit de sommeil…La rencontre du sol et de sa tête lui fit comprendre qu'il s'était endormi. Se frottant le front, il sentit apparaître sous ses doigts une petite bosse.

Comme si j'avais besoin de ça…

            Il jeta un coup d'œil à son chrono. Midi passé. Il était temps de manger. Il finirait après. Il devait d'abord reprendre des forces…Il rejoignit sa place dans la grande salle du réfectoire, et mangea en silence. Chaque minute lui demandait un effort pour ne pas s'endormir. Il brûlait ses dernières réserves d'énergie.

Pas d'effort cette après-midi…je finis juste la salle…

            Il se leva. Autant s'y mettre le plus vite possible. Plus vite il aurait commencé, plus vite il aurait terminé.

            En approchant de la salle, il entendit des éclats de voix. Un sombre pressentiment le parcourut. Se pouvait-il que…? Se préparent au pire, il ouvrit la porte. Plusieurs dizaines de personnes se trouvaient dans la pièce. Et parmi elles, le lieutenant Keuper.

 

*****

            Simon s'avança vers Lucas.

-Alors, comme ça tu penses avoir nettoyé cette pièce? Dommage pour toi, il va falloir que tu recommences…

Avec un sourire sinistre, il renversa lentement le contenu de son gobelet sur le sol. Sans réfléchir, le poing de Lucas partit. Simon esquiva sans difficulté.

-Tu es lent…tu es fatigué peut-être?

Autour d'eux, un cercle s'était formé. Lucas sut qu'il ne pourrait s'échapper…Une avalanche de coups s'abattit sur lui. Il avait l'impression de nager dans le brouillard. Son adversaire était rapide. Trop rapide. Il ne pouvait que frapper au hasard, mais jamais il ne touchait Simon.

            D'une poussé, Simon l'envoya contre le mur.

-C'est tout ce que tu sais faire?

Mais Lucas ne l'entendait plus. Il était fatigué, il avait mal. Mais plus que tout, sa colère et sa rancœur refirent surface. Pourtant il avait essayé! Il avait fait tout ce qu'on lui avait demandé. Tous ses efforts…pour rien. Pour ça. De quel droit devait-il subir les brimades de Simon?

La bête s'ébroua. Oh non…pas ça, pas maintenant…Elle commença à se secouer, à vouloir s'échapper. Et petit à petit, il sentit son emprise sur elle s'évaporer…

-Ecartez-vous, écartez-vous…murmura-t-il faiblement.

-Il délire? Simon, tu y es allé un peu fort peut-être? dit une voix parmi les personnes qui l'encerclaient.

Il la sentait partir, elle était en train de s'échapper…Et ce n'était pas du tout le moment ! Il devait la rattraper, la remettre sous contrôle….

Mais trop tard. Elle avait pris possession de lui.

            Un ricanement s'échappa de ses lèvres. D'un revers de manche, il essuya le sang qui perlait sur son menton. Il se leva, plein d'une énergie nouvelle.

            Son regard étrangement sombre se posa sur Simon.

-Les bêtes blessées sont les plus dangereuses…

-Ses yeux….ils sont rouges ! hoqueta Simon. La peur s'emparait lentement de lui. Les gens murmuraient craintivement. Que s'était-il passé? Pourquoi les iris du jeune Lucas avaient pris cette teinte sanguinaire?

-Celui qui s'interpose, je le tue.

            Sans savoir pourquoi, les personnes présentes surent qu'il en était capable. Qu'il s'en ferait même un plaisir.

            Le lieutenant Keuper, lui, ne riait plus. Il comprenait que le jeu était terminé. Que s'il perdait, il mourrait. Il nous détruira tous. C'était bien ce qu'il avait dit à Cyria non? Jamais il n'aurait cru avoir raison si tôt. Ce jeune homme était étrange…

            Lucas attaqua, interrompant ses pensées. Il para de justesse. D'où tirait-il cette énergie nouvelle qui l'habitait? Il esquiva un autre coup, mais pour mieux prendre un troisième. Chacune de ses attaques était contrée avant même qu'il esquisse un geste. Comment faisait-il??

            Le lieutenant Keuper se sentit soulevé du sol et plaqué contre un mur, le regard mauvais de son adversaire rivé au sien. Pris de panique, il tenta de se dégager, mais Lucas le tenait d'une main de fer. Le jeune homme faible et hagard de tout à l'heure n'était plus.

Son poing se leva, et Simon sut qu'il allait mourir.

 

*****

            Lucas reprenait peu à peu conscience. Qu'avait-il fait?!

J'ai laissé la bête s'échapper.

Trois ans que cela ne lui était pas arrivé! Comment avait-il pu en arriver là?

Elle a profité de ma faiblesse…mais je dois reprendre le contrôle! Je dois la maîtriser!

Il la voyait, dans son esprit. Immobile, elle semblait l'attendre. Il courut vers elle, mais au dernier moment elle s'éloigna. Puis s'arrêta à nouveau.

Je n'ai pas de temps à perdre à ce petit jeu…

Lentement, il s'approcha d'elle. Elle était tout près…

Il sauta sur son dos. Elle se débattit, mais il s'accrocha de plus belle.

Je dois tenir…

Après quelques instants de lutte acharnée, il réussit à l'attacher de nouveau.

Ouf. Le pire est passé.

Il reprit subitement conscience de son corps.

Qu'est-ce que je suis en train de faire?!

Il vit Simon, terrifié, il sentit le coup partir, et il sut qu'il ne pourrait pas le retenir.

            Simon ferma les yeux, attendant le choc. Un bruit sourd éclata près de son oreille gauche. Hésitant, il ouvrit les yeux. Il était encore en vie?

            Le soulagement s'empara de son être. Il regarda autour de lui. Lucas se tenait la main gauche en pestant, tandis que tout le monde observait le trou dans le mur, à côté de la tête de Simon.

            Il s'avança vers Lucas.

-Viens à l'infirmerie.

-Ce n'est pas la peine, dit-il difficilement. Je suis allergique au bacta…

Ses yeux verts rencontrèrent le regard du lieutenant.

-Je suis désolé. Cela ne se reproduira plus.

Epuisé, il s'évanouit.

 

*****

Lucas nageait dans la pénombre. Des tâches floues de lumière dansaient devant ses yeux.

Où suis-je? Que m'est-il arrivé? songea-t-il.

Les souvenirs se précipitèrent soudain dans sa tête. Keuper. Les mots qu'il avait prononcés. Les coups qu'il avait portés. Son épuisement. Puis…la perte de tout contrôle. Son corps abandonné à la fureur de la bête.

            Frémissant encore à ce souvenir, il vérifia rapidement que la bête était maîtrisée. Elle semblait calme…pour l'instant.

            Avec effort, il se força à ouvrir les yeux. La lumière lui semblait trop intense. Il cligna plusieurs fois pour s'habituer à la luminosité de la pièce. Celle-ci semblait déserte. Il parvient à distinguer une cuve bacta dans le fond, et une foule d'instruments posés ça et là. Il se trouvait à l'infirmerie.

            Il se redressa, et grimaça en sentant ses muscles contusionnés répondre douloureusement. Il avait mal, mais se sentait étonnamment reposé. Combien de temps ai-je dormi?

            La douleur pulsa dans sa main gauche comme il y prenait appui pour se lever. Il se souvint alors que son poing s'était encastré dans le mur. Il remua délicatement ses doigts bandés. Combien d'os cassés? A tout le moins un certain nombre…

            La porte s'ouvrit avec un sifflement, et le lieutenant Keuper entra dans la pièce. Lucas se raidit à son approche. Que lui voulait-il encore?

-La Commandante désire vous voir, dit-il sèchement. Suivez-moi.

Il fit demi-tour et Lucas suivit avec une certaine appréhension. Depuis son arrivée sur l'Intrépide, elle ne lui avait pas reparlé. Le souffle lui manqua soudain. Il ne pouvait y avoir qu'une seule raison…et cette seule raison augurait très mal de son avenir sur l'Intrépide.

            La commandante se trouvait à son bureau.

-Le voilà, dit le lieutenant en entrant.

Lucas salua, et elle lui répondit par un léger signe de tête. Comme elle ne l'autorisait pas à s'asseoir, il resta debout. Simon ferma la porte et se plaça en position de surveillance. L'inquiétude commença à monter en Lucas. Pourquoi toutes ces précautions?

-Expliquez-moi votre conduite d'il y a trois jours, ordonna-t-elle sans préambule.

Trois jours. Il avait donc dormi trois jours entiers….L'esprit de Lucas fonctionnait à toute allure. Il pouvait s'en passer des choses en trois jours…

-Le lieutenant Keuper m'a agressé, répondit-il. Un sentiment de colère et d'injustice s'éveilla en lui à l'évocation de ce souvenir. D'abord verbalement, puis physiquement, continua-t-il. Je n'ai fait que me défendre.

Il s'efforça de garder un air neutre, scrutant le visage de la commandante pour y déceler la moindre information concernant son sort futur. Mais Cyria conservait un visage impassible.

-Des témoins racontent que vous êtes devenu…(elle hésita) comme fou. Comme si vous étiez possédé. Vous avez manqué de le tuer, puis tout aussi brutalement vous êtes redevenu vous-même. Pourquoi? Que s'est-il passé?

Lucas resta silencieux un long moment. Dans quelles limites pouvait-il lui révéler la vérité? Non. Pour son bien, elle ne devait rien savoir.

-Je ne peux répondre maintenant à cette question, Madame, dit-il lentement. Je puis seulement vous assurer que cela ne se reproduira plus.

Les yeux de Cyria se plissèrent comme elle examinait le jeune homme.

-Je n'ai que votre parole. Expliquez-moi pourquoi je devrais vous croire.

Elle croisa les bras et attendit.

Simon s'agita, semblant mal à l'aise. Ce qui inquiéta Lucas. Peu de choses mettaient le lieutenant mal à l'aise…

-Je respecte les gens justes, répondit-il après quelques instants de silence. Pas les autres.

Il vit que Simon s'apprêtait  à dire quelque chose mais Cyria l'arrêta d'un geste.

-Alors vous vous permettez de juger vos supérieurs?

Lucas n'avait pas envisagé la question sous cet angle, mais au point où il en était…

-Effectivement.

Cyria ne répondit pas. A quoi réfléchissait-elle? A la meilleure façon de le tuer? Il envisagea différents scénarios, mais aucun ne lui convenait…

-Le colonel Ges a décidé de nous quitter pour rejoindre sa famille. Accepteriez-vous de le remplacer?

Lucas écarquilla les yeux. Impossible. Elle lui permettait d'avoir un poste sur la passerelle?!

Mais avant qu'il puisse répondre, le lieutenant Keuper s'interposa.

-Madame, en lui donnant un accès à la passerelle, vous nous mettez tous en danger !

Les yeux gris du lieutenant trahissaient son angoisse. L'Intrépide était son vaisseau, son équipage, sa seule famille. Cyria lui sourit avec tendresse.

-Ta loyauté est sans faille, mon ami. Mais Lucas a besoin qu'on lui donne sa chance. Comme elle nous a été donnée.

Son regard revint sur Lucas. Un regard dur.

-Ne me décevez pas, jeune homme. C'est votre dernière chance.

 

*****

Nouvel uniforme, nouveau grade, mais pas de nouvelle chambre, songea Lucas avec amertume en s'allongeant sur son lit le soir même.

            Un poste sur la passerelle d'un vaisseau stellaire…en rentrant à l'Académie, c'était son grand rêve…il était prêt à oublier Seika pour cela….et maintenant…il désirait plus que tout retourner sur sa planète où il avait tout appris. Et se venger du général Till.

Et après? pensa-t-il malgré lui. Une fois qu'il l'aurait tué? Que ferait-il?

Il s'efforça de chasser de son esprit cette pensée déplaisante, à laquelle il n'avait pas de réponse. Il ne fallait pas se poser trop de questions. Il avait appris que c'était dangereux en certains lieux. Il finit par réussir à vider totalement son esprit. Et il s'endormit.

 

*****

Lorsqu'il s'éveilla le lendemain matin, il se sentit en pleine forme, plein d'une humeur joyeuse qu'il ne se connaissait pas.

            Il se nettoya rapidement le visage, enfila son nouvel uniforme d'officier, ajusta son badge où il était écrit "Communications", puis rangea le peu de désordre de la petite pièce.

            Il verrouilla sa cabine, puis se dirigea en marchant d'un bon pas vers la passerelle. Les couloirs, d'un blanc éclatant comme il convenait dans un vaisseau impérial, lui semblèrent trop neutres, trop froids, trop tristes, trop impersonnels. Et surtout trop salissants…

            A sa grande surprise, la porte donnant accès à la passerelle n'était pas verrouillée, comme c'était le cas sur les autres vaisseaux de la Flotte. Peut-être que les officiers de l'Intrépide ne craignaient pas de mutinerie, après tout.

            Répondant rapidement aux saluts polis qu'on lui adressait, il se dirigea vers sa console, rejoignant la fosse où d'autres officiers étaient déjà au travail.

-Nouveau dans les com, hein petit? demanda l'officier qui se trouvait à sa gauche.

Lucas digéra mal le "petit" mais acquiesça en le détaillant. Les cheveux gris, l'œil pétillant, il semblait passionné par son métier.

-T'inquiètes pas, petit, ça vient vite. Je m'appelle Léonorès, mais tu peux m'appeler Léo, comme tout le monde. Et toi? Quel est ton nom?

-Lucas, répondit sobrement ce dernier.

Les yeux gris de Léo s'éclairèrent.

-Alors c'est toi qui a mis une sacrée raclée à Simon?

Lucas grimaça.

-Les nouvelles vont vite…

-Les com sont toujours au courant de tout, petit. Qui analyse les rapports des caméras de surveillance? Nous. Qui transmet les ordres du Commandant? Nous. Nous sommes le service indispensable. Tu viens d'entrer dans la meilleure équipe de l'Intrépide.

Lucas se sentit sourire presque malgré lui. L'enthousiasme de Léo était contagieux. Il jeta alors un coup d'œil à sa console…et ses yeux s'agrandirent. Des boutons…il y en avait partout. Des rouges, des bleus, des petits, des grands, des carrés, des ronds…

            Léo remarqua l'horreur qui grandissait dans les yeux de Lucas et il eut un petit sourire.

-Ca fait souvent cet effet-là, au début. Je vais t'expliquer. Tout obéit à un code très simple. Les boutons carrés sont utilisés pour les communications internes, les ronds pour les communications externes. Les bleus sont pour les émissions, les rouges pour les réceptions. Le vert est le lien direct avec la Commandante. Voilà les bases que tu as besoin de connaître.

Lucas acquiesça en silence.

-Ca n'a pas l'air très complexe…

-Ah, j'oubliais. Cette molette-ci te sert à régler le volume…Très utile lorsqu'on veut t'assourdir…Gardes-y la main dessus si tu ne veux pas devenir sourd avant l'heure.

Le jeune homme hocha la tête pour signifier qu’il avait compris. Il avança sa main pour appuyer sur un bouton….et interrompit son geste lorsqu’il s’aperçut qu’il s’agissait de sa main gauche, encore enveloppée dans des bandages. Il retint un soupir. Il en avait au moins pour trois semaines…

Léo remarqua son manège.

-Tu ne veux pas passer à l’infirmerie ? Un patch de bacta et il n’y paraîtra plus.

-Impossible.

Sous le regard surpris de l’officier, il rajouta :

-Je…ce n’est pas grand chose. Ca ne servirait à rien. Et puis, mieux vaut le garder pour ceux qui en ont vraiment besoin, non ?

Je ne vais pas non plus dire à tout le monde qu’une petite dose de bacta suffirait à me tuer ! J’ai besoin de rester en vie…

*****

Midi, l’heure de la relève. S’étirant, Lucas se leva et quitta la passerelle pour la cantine. Son estomac grondait sourdement. Arrivé à la cantine, il prit son plateau-repas sans un mot et s’installa dans un recoin de la pièce, comme à son habitude, pour manger tranquillement. A peine avait-il porté la première cuillerée de soupe à ses lèvres que deux ombres s’approchèrent de lui. Il releva lentement la tête : les deux ombres étaient en fait deux jeunes femmes, des officiers de la passerelle d’après leur uniforme.

-Bonjour, dit-il le plus calmement qu’il put. Que pouvaient-elles bien lui vouloir ?!

-Salutations, Capitaine Piett, répondit la première. Je suis le lieutenant Camille Silgib, et voici mon assistante le lieutenant Muril Kaosite.

-Enchanté de faire votre connaissance, répondit le capitaine tout en se demandant où elles voulaient bien en venir.

-Demain soir, une fête est organisée dans  la salle de conférence de l’Intrépide

-Et alors ?

Le lieutenant Silgib le gratifia d’un regard courroucé.

-Et alors vous devez venir !

Lucas fronça les sourcils.

-Comment ça, je dois ?

Pourquoi être obligé d’aller à une fête ? Cela n’avait aucun sens ! En plus il ne connaissait personne…

-Parce que vous êtes désormais un membre à part entière de l’équipage, déclara fermement Muril. Vous devez préparer une partie du spectacle, renseignez-vous auprès de Léo, c’est lui le responsable. Et n’oubliez pas, la participation est de trois cents crédits.

Les yeux du capitaine s’agrandirent.

-Trois cents crédits ?! Vous voulez ma ruine ou quoi ? s’indigna-t-il.

Le regard de Camille se chargea de colère contenue.

-Un destroyer impérial ne s’entretient pas aussi facilement qu’un speeder, capitaine. Demain soir, vingt heures, salle de conférence. Soyez à l’heure.

Repérant une nouvelle cible, elles laissèrent le capitaine abasourdi par leur discours. Il se remit machinalement à manger, le repas ayant soudain perdu toute saveur tandis que ses pensées se bousculaient dans sa tête. Il se trouvait chez des fous. Trois cent crédits la soirée ? Ces gens étaient complètement givrés. De toute façon, il était hors de question qu’il participe à ce foutu spectacle…

 

*****

 

 

 

 

 

 

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