Arrivée …

 

 

                Par une belle journée de Septembre, Aelwen se préparait à frapper à la porte du petit bâtiment annexe de la grande propriété jouxtant le canal d’un côté et la forêt de l’autre. Embarrassée par un lourd sac à dos, un duvet énorme et second sac assez volumineux et paraissant sur le poit de craquer, elle manqua de s’étaler en se prenant les pieds dans le tapis extérieur.

-          Houlààà ! J’ai bien failli m’y mettre ! Puis, sans lâcher ses sacs, elle s’écria : Elle est là ma cousine préférée ?

Quelques secondes plus tard, la porte s’ouvrit sur une jeune femme brune, assez grande, une louche à la main.

-          Mais ça va pas ? ! S’exclama-t-elle. Mais … c’est bien toi Aelwen ?

La jeune femme écarquilla les yeux. Elle avait du mal à reconnaître sa cousine, de 10 ans sa cadette, qu’elle n’avait pas vue depuis … c’était à un Noël … ça devait faire au moins quatre ans. Elle dévisagea la jeune fille en face d’elle : un pantalon treillis noir, un sous-pull gris recouvert d’un T-shirt noir avec une tête de mort dans un coin. Elle portait également une casquette (noire aussi) dans laquelle elle avait enfourné ses cheveux. « Le noir fait ressortir le vert de ses yeux. » ne put s’empêcher de penser sa cousine malgré l’aversion qu’elle ressentait pour la tenue de sa cousine.

-          Ben ouais, c’est moi. La grand-mère a dû te prévenir, non ?

-          Oui, oui … Vas-y, entre. Mais surtout appelle-moi Karel, sinon ils vont encore me faire un show. Je les entend d’ici !

-          Ils ? Qui ça « ils » ?

-          Ben … les pensionnaires ! Ma dit pas que t’es pas au courant ! C’est cinq mecs qui font leurs études dans le coin.

Aelwen fit comme si elle savait de quoi ça cousine parlait et continua :

-          Et toi ? tu pars quand ?

-          Dev et moi ? On part en lune de miel après-demain. On s’en va deux semaines. Mais je reprends pas le job à la pension en rentrant … Mon patron m’a demandé de revenir … Par contre, Grand-mère Anigh m’autorise à garder la maison … Ça ne t’ennuie pas de dormir à la pension ?

-          Ben non … J’m’en fiche, tant que je peux dormire quelque part … Ça me fait économiser un loyer.

-          Mouais … Karel ne pouvait s’empêcher de douter. Bon. Mais n’oublie pas que c’est toi qui aura la charge de faire tourner tout le bin’s.

-          T’inquiète ! Ils vont filer doux avec moi ! S’exclama Aelwen.

Sa cousine ne put réprimer un sourire en imaginant cette petite nana d’à peine 1m60, avec ses airs de garçon manqué, au milieu de ces cinq mecs, rien moins que bordéliques, dont la taille moyenne devait avoisiner le mètre 75, si ce n’est 80 !

-          Bon, viens, je vais te montrer ta chambre pour cette nuit. On visitera la pension demain.

Elle la conduisit à l’étage, dans la chambre d’amis …

 

                Le lendemain matin, vers 11h à cause du réveil difficile d’Aelwen, les deux cousines traversèrent le parc vers un manoir de style moyenâgeux.

Elles entrèrent par la porte centrale dans un hall carrelé de terre cuite, au bout duquel se trouvait un escalier moquetté qui montait vers une mezzanine (ou plutôt une sorte de balcon, décida Aelwen) desservant l’étage sans obstruer le plafond du rez-de-chaussée. On mesurait ainsi pleinement la hauteur totale de plafond de ce hall d’entrée.

-          Tu seras ici. Dit Karel à sa cousine en lui indiquant la seconde porte, à droite en entrant, au pied de l’escalier. Je te fais visiter ou tu te débrouilles ?

-          Boaf, répondit-elle en haussant les épaules, je vais bien y arriver.

-          OK ! Si t’as besoin de moi, tu sais où j’habite … J’y suis jusqu’à ce soir. Je te laisse t’installer.

-          Wesh ! Merci Karel !

-          De rien. Répondit-elle en se retournant.

Restée seule, Aelwen rangea ses affaires, impatiente de visiter sa nouvelle « propriété ». Elle retira du sac en plastique un nombre impressionnant de bandes-dessinées, qu’elle empila soigneusement sur une étagère.

Il ne lui restait plus que son sac à dos vide à ranger en haut de la grande armoire bretonne. Elle se hissa sur la pointe des pieds, le sac à bout de bras. Au moment où elle le lâcha pour le repousser, il bascula, lui retomba sur la tête avec fracas.

-          Et merde !

Elle se penchait pour le ramasser lorsque le bruit d’une porte qui s’ouvre la fit se retourner. Un jeune homme d’une vingtaine d’années, grand – mais elle les trouvait tous grands – châtain clair, les cheveux raides assez longs, seule la nuque était dégagée, un petit anneau d’argent à l’oreille droite, les yeux verts, se tenait dans l’embrasure.

-          Qu’est-ce que tu fais là ? Demanda-t-il.

Un instant déconcertée par l’apparition, Aelwen se reprit.

-          Ben j’essaye de ranger mon sac en haut de l’armoire mais bon, comme je suis petite …

L’autodérision marchait habituellement plutôt bien

-          Et à part ça ? Reprit l’autre.

Loupé. Se dit la jeune fille en elle-même. Optant pour une nouvelle stratégie, elle décida de jouer franc-jeu.

-          OK. Je range mes affaires parce que je vais habiter là. Et toi ?

Au lieu de lui répondre, il continua son interrogatoire, attitude qui contribua à énerver Aelwen.

-          t’es pas au courant que c’est une pension pour mecs ?

-          Si. Je crois que Karel m’en a vaguement parlé.

-          Tu connais Karel ?

-          Ben, c’est un peu ma cousine …

-          Ta cousine ? Et elle te loge à l’œil ?

-          Nan, j’me loge toute seule ! La réserve limitée de patience de la jeune fille commençait à atteindre le niveau critique. C’est bientôt fini oui ? ! Cette pension appartient à ma FAMILLE et c’est MOI qui vais la gérer cette année ! Alors si ça te plaît pas, tu te casses ! Elle respira profondément et reprit, plus calmement : Au fait, t’es qui toi ?

-          Euh … e m’appelle Maelgwyn. Je suis en pension ici.

-          Ça fait longtemps ?

-          Deux ans.

-          Cool ! Tu connais la baraque alors ! Tu me fais visiter ?

-          Ben … si tu veux. Euh … tu veux que je mette ton sac là-haut ? Dit-il en désignant l’armoire.

-          Ah ouais, merci !

Il porta le sac et, ce faisant, son regard se posa sur les étagères de BD.

-          Wouha ! T’es équipée ! S’exclama-t-il en s’approchant pour voir les titres.

-          Ouais, je peux pas m’en passer. T’aimes la BD ?

-          Ça va. Je m’y intéresse mais j’en ai pas tellement.

-          Tu pourras en prendre, si tu veux. Mais attention hein ! J’y tiens ! Alors elles reviennent en l’état ! Et celles qui sont couvertes sont à lire « sur place uniquement » !

-          Pas de problème !

Et ils partirent pour la visite.

 

Après les rez-de-chaussée où se trouvaient la cuisine, la salle à manger et la chambre d’un dénommé Etienne, absent jusqu’à la rentrée de fac, ils passèrent à l’étage où il y avait la majorité des chambres, dont celle de Maelgwyn. Après lui avoir nommé les occupants des autres, il fit entrer Aelwen dans la sienne.

On y trouvait, en plus de l’armoire et du lit communs à toutes les chambres, une table basse et plusieurs gros coussins jonchant le parquet.

-          Waw ! Sympa la déco !

-          Ben … j’ai pas fait grand chose. Dit-il en s’asseyant et en lui désignant un autre coussin.

Elle obtempéra et continua :

-          Et pourquoi t’es là toi ?

-          J’suis à la fac d’à côté. Je passe les rattrapages pour avoir ma deuxième année.

-          Et tu viens d’où ?

-          De St Malo. Tu connais ?

-          Cette question ! Ma famille vit là-bas depuis au moins 6 ou 7 générations. Enfin … pas exactement à St Malo mais au moins en Bretagne. En fait, je dois avoir de la famille un peu partout dans cette région.

Il y eut un léger silence puis le garçon reprit :

-          Au fait, comment tu t’appelles ?

-          Moi c’est Aelwen. Pas commun hein ! ?

-          Bof. Répondit-il avec un haussement d’épaules. Un peu comme moi quoi !

-          C’est vrai ! Et les autres ? Karel m’a dit que vous étiez 5 …

-          Ouais. Y’a Alec, qui passe aussi le rattrapge en ce moment. Ça fait qu’un an qu’il est là. Etienne aussi d’ailleurs. Mais il repique sa première année et ne revient que fin Septembre, si il y pense. Il plane un peu … Yoann, je le connais moins bien. Pourtant on est arrivés en même temps. Mais il est à l’IUT et on n’a pas tout à fait le même genre d’horaires … Et puis y’a aussi Grégoire, il est en première, au lycée. Voilà, je crois que j’ai fais le tour.

-          OK. Et donc, tous les autres, à part Etienne, sont en cours …

-          T’as tout pigé !

-          Et toi ? T’es pas à la fac ?

-          Non. Mes épreuves sont toutes fin Septembre.

-          Et tu préfères réviser ici … C’est quoi les matières que tu dois repasser ?

Quand il les lui eut énoncées, elle ne put taire son étonnement :

-          Mais, c’est mon programme de cette année !

-          Quoi ?

-          Ben, les matières que tu repasses, c’est celles de mon DEUG de cette année …

-          Mais y’a personne qui fait ce truc !

-          Ben faut croire que si.

-          Le truc de dingue ! Quand tu sais qu’on est à peine 30 en deuxième année !

-          30 ? C’est encore moins que la promo de Grenoble !

-          Grenoble ? Ils en font ailleurs qu’à Paris et ici ?

-          Ouais, je crois qu’y’a aussi Bordeaux.

-          Eh ben ! Tu te rends compte qu’on est deux à la Pension à faire ça ?

-          On doit être tarés !

-          Ça fait deux tarés ici alors. Il marqua une légère pause. Tout bien réfléchit, il doit y en avoir plus que ça … Tu vas voir quand ils vont rentrer. Ça va pas être triste !

Ils se regardèrent, souriant par avance à la réaction des autres pensionnaires …

 

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